Sunday, December 28, 2008


Je suis allée au bout de ma nuit et elle s’est achevée sur une promesse d’orage, un jour gris-mauve. Pendant que tu dors j’avance jusqu’à la fenêtre. On sourit et saigne en même temps; il semble que nous ne serons plus les mêmes. Car hier soir, vers minuit, les déguisements sont tombés : petites laines, cuir, perles, dentelles, laissant voir nos corps vannés, toutes nos égratignures, les cicatrices et nos silhouettes qui tanguaient.

Tu m’avais promis l’extase et elle est venue, mais je croyais que tu serais avec moi, non pas derrière ta caméra, à me prendre sous la lumière laiteuse d’une petite aube frêle, défavorable. On a tant ri, ri à se faire mal, à se fendre la pulpe des lèvres, ri à se défaire une beauté, à débouler l’escalier, et tant bu, si bien que l’alcool n’a plus de prise sur moi. On a beaucoup parlé aussi, gueulé, gémit, pour un oui pour un non, et nos lèvres gercées disaient n’importe quoi, exagéraient. Nous ne sommes pas des dieux tu sais. Et cette nuit, qui aura duré 10 ans, ne veut plus de nous. La ville nous recrache comme la mer rend ses noyés.

Il faudrait rentrer et se faire du thé noir, croquer des noix, manger une poire. Se regarder dans les yeux, dans la glace, mettre notre peau à l’envers pour en examiner l’intérieur. On pourrait faire quelque chose de sain. À commencer par quitter cette chambre.

-M-H.Poitras

2 comments:

Anonymous said...

ohmondieu. j'aime tant ca.

R said...

oui, je suis tombé amoureuse de ce texte.
c'est un texte de Marie-Helene Poitras qui a été écrit pour l'exposition inside/out de John Londono en 2007.

j'adore son livre La mort de Mignonne et autres histoires.
Une des histoires parle d'une femme-poisson qui devient mannequin.